Les start-up à Berlin ⎸Entre rêve et désillusion

Tout le monde parle des start-ups, de leurs nombreux avantages mais également de leurs inconvénients. Alors que les politiques ainsi que la presse nous parlent de la révolution numérique, le monde du travail serait en cours de mutation vers un système numérisé au sein duquel les start-ups seraient en vogue. Qu’en est-il à Berlin? Pourquoi cette ville créatrice et alternative semble devenir la nouvelle silicone vallée européenne d’une nouvelle forme de capitalisme? Nos traducteurs reviennent rapidement sur une petite présentation de cette problématique.

Les start-up à Berlin

En moyenne, une nouvelle start-up est fondée toutes les 20 minutes à Berlin. La ville est devenue en une dizaine d’années l’une des capitales les plus attractives pour les entrepreneurs en Europe, la troisième après Londres et Paris. Comment la formule « pauvre mais sexy » attire de jeunes entrepreneurs venant du monde entier pour créer leur start-up ?

On peut déjà trouver un début d’explication dans la législation allemande qui offre des procédures administratives moins complexes qu’il n’y paraît lorsqu’il s’agit de s’enregistrer en tant qu’auto-entrepreneur. L’opération se fait à la mairie, moyennant quelques dizaines d’euros, et le centre des impôts est directement contacté. Même en tant qu’expatrié, s’installer en Allemagne pour créer une start-up nécessite moins de difficultés administratives qu’aux États-Unis, autre eldorado de la création d’entreprises et de start-ups informatiques.

Pourquoi choisir Berlin ?

C’est justement le déclassement économique de la ville (avec un taux de chômage aux alentours de 8%, un des plus élevés d’Allemagne) qui permet aux entreprises du secteur tertiaire d’investir des espaces de travail en centre-ville qui bénéficient de loyers parmi les moins élevés des capitales d’Europe de l’ouest. On compte en moyenne 1 000 euros par mois pour des espaces d’une centaine de mètres carrés, si on y ajoute des factures internet et de téléphonie globalement similaires à la France, on comprend pourquoi des géants tels que Google ont choisi d’ouvrir des bureaux servant d’incubateurs, incitant les start-up internet à se développer à proximité. Le sénat de Berlin, soutient largement cette tendance, puisque les prévisions font état de la création de 100 000 emplois d’ici 2020 dans le domaine des nouvelles technologies.

L’avenir des start-ups

Pour certains, la nouvelle économie et le monde des start-up sont idylliques. Pour d’autres, c’est un cauchemar. C’est ce que raconte le livre «Bienvenue dans le nouveau monde» : un univers précaire, faussement cool, management inhumain… et ennui.

Trop souvent, les médias n’en racontent que le côté «paillettes» et fantasmatique. On évoque les «licornes», les «business angels» et le «management du bonheur»… Pourtant, tout n’est pas si rose dans l’univers des start-up. Au contraire. Les expériences qui en racontent le côté obscur se multiplient. Il y a quelques mois, The Economist publiait un article intitulé «The other side of paradise» pour évoquer cette face moins reluisante et moins connue des start-up. Selon une étude, 19% seulement des employés de start-up se sentent heureux dans leur travail et 17% d’entre eux se sentent valorisés et épanouis. Beaucoup se sentent également en marge, sous-estimés… et même «pris au piège.»

C’est cette vision chaotique de la révolution numérique que décrit Mathilde Ramadier dans son livre «Bienvenue dans le nouveau monde. Comment j’ai survécu à la coolitude des start-up.*» Diplômée de l’ENS, l’auteur de 4 romans graphiques aux éditions Dargaud et Futuropolis a décidé de faire ses valises pour Berlin, une ville attractive et dynamique. La ville ne manque pas de start-up: en 2016, c’est quelque 220 jeunes pousses berlinoises qui ont levé 1,07 milliard d’euros de fonds. «Je ne suis pas une lanceuse d’alerte, explique l’auteur dans une interview à L’Usine digitale. J’ai voulu libérer la parole de ceux que l’on n’entend jamais: ces petites mains dont l’histoire est plutôt celle d’un échec, dans cette grande histoire de succès que les startups mettent en scène.»

Une «mise en scène», donc. L’histoire de Mathilde au pays des jeunes pousses a duré quatre ans. Des années durant lesquelles elle change plusieurs fois de job… Aucune stabilité dans sa vie professionnelle. Ni embauche, ni CDI à la clef. Son contrat le plus long: six mois.

Au fil de son livre, l’auteur livre donc ses témoignages sur les coulisses des start-up. Elle dénonce notamment un management «du vide», dans lequel des intitulés de postes pompeux dissimulent un vide abyssal. Si le terme «manager» est partout dans les offres d’emplois de jeunes pousses, la réalité est différente. Dans les start-up, tout le monde manage quelque chose. Les «content managers» sont recrutés en tant que travailleurs indépendants et sont payés au lance-pierre. Les contrats des «country managers» n’excèdent pas les trois mois. Quant à «l’assistant talent manager», c’est un stagiaire. L’auteur elle-même était «content manager France», pour un salaire de 960 euros brut.

La ville de Berlin serait-elle alors en train de changer radicalement de nature ou bien disposera t-elle de la force nécessaire pour créer un monde numérique nouveau à la fois culturel, alternatif et humain?

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