Le pique-nique à Berlin ou l’éloge d’un bonheur ordinaire
Loin d’être une spécificité française et en dépit de son étymologie, le pique-nique semble être universel. Ainsi dès que les beaux jours apparaissent les parcs de Berlin deviennent le spectacle de nombreux pique-nique et barbecues. Le pique-nique réjouit partout l’esprit et, simple bonheur ordinaire, en imprègne le quotidien, mais prend selon les cultures des formes et des significations différentes. Dans cet article, nos traducteurs reviennent sur le pique nique en général:
La sociologie du pique nique:
Que se passe-t-il derrière l’idée du pique-nique à Berlin ou du bien encore du pique-nique en général ? Sous ses dehors anodins, le pique-nique appartient à la grande famille des civilités de l’agréable. Il raconte à sa manière l’hospitalité des lieux et exprime des valeurs fortes : la générosité, le partage, la convivialité. Il porte aussi en lui toutes les caractéristiques du manger nomade.
Le pique-nique porte en lui toutes les caractéristiques du manger nomade. Il s’agit là d’une certaine manière de manger, un type de nourriture, facile à transporter. Loin d’être une spécificité française et en dépit de son étymologie, le mot a traversé les frontières et s’emploie dans de très nombreuses langues. Quant à la pratique, elle semble être universelle ! En Amérique du Nord, au Moyen orient , en Asie ..le pique-nique est un marqueur fort de la culture. Partout il réjouit l’esprit tout en nourrissant les estomacs. Simple bonheur ordinaire, il imprègne le quotidien mais prend, selon les cultures, des formes et des significations différentes. C’est dans un esprit de » curiosité géographique » que ce nouvel ouvrage publié dans la collection D’Autre part chez Bréal se propose d’explorer toutes les dimensions du pique-nique.
Manger n’est jamais la raison principale du pique-nique:
Les pique-niques seraient plutôt une manière d’être soi, un rapport aux autres qui trouve l’une des ses premières finalités dans le manque de place domestique, notamment lors des banquets de fête qui avaient lieu sous nos climats au retour du beau temps printanier. L’histoire du pique-nique montre qu’il est de tout temps et, pourrait-on dire, de tout lieu ou presque, comme le montrent les cas étudiés au Maghreb, au Moyen-Orient, au Tibet, au Nunavut ou au Japon. Manger n’est jamais la raison principale du pique-nique même si c’en est l’activité essentielle. Manger est plutôt le prétexte pour la rencontre, la fête, la célébration d’un événement.
Une forme profane du sacrifice animal:
En même temps, les pratiques alimentaires sont un capital de codes bien définis dans des lieux où l’on serait porté à croire que l’on peut faire fi des contraintes. Ainsi, le barbecue, moment très ritualisé, est sans doute une forme profane du sacrifice animal à l’origine des premiers banquets de l’histoire. Il s’est glissé dans le pique-nique à la faveur des méchouis berbères et des modes américaines qui devaient diversifier encore plus les repas paysans ou mondains qui constituent le socle de ces festivités estivales. Le lien avec l’urbanisation est facile à tendre dans les métropoles où les bords de fleuves n’ont jamais été autant sollicités, sans doute parce que l’habitat collectif moderne est trop étroit et que les restaurants pratiquent des prix déraisonnables pour les salariés. Que ce soit chez les Kurdes, les Inuits, à Madagascar ou sous la tour Eiffel, le pique-nique est tout le contraire d’un repas bâclé : c’est un rituel qui se décline à l’infini et que la modernité n’a pas épuisé.